Le nourrissage du cerf souvent dommageable
Pierre Gingras
La Presse
Récemment, les biologistes du ministère des Ressources naturelles et de la Faune ont soutenu un vaste programme de nourrissage du cerf de Virginie en Gaspésie même si, paradoxalement, ils considèrent que nourrir le chevreuil en période de disette est néfaste autant pour l'animal que pour son environnement.
«La situation en Gaspésie est différente d'ailleurs. Il s'agit d'une mesure d'urgence, explique le porte-parole du ministère, Claude Daigle. La population de chevreuils y est faible. Si elle baisse trop, on devra interdire la chasse comme ce fut le cas il y a quelques années. Or, on compte de nombreux chasseurs dans cette région. Ailleurs, quand la mortalité hivernale est grande, il nous suffit tout simplement de baisser les quotas de prises.»
Rappelons que l'impact économique de la chasse au chevreuil atteint des dizaines de millions de dollars au Québec.
Le nourrissage en Gaspésie est supervisé et s'y fait selon des règles très précises. Les sites d'alimentation sont éloignés les uns des autres et on utilise une moulée spéciale très assimilable pour les bêtes.
Le ministère déconseille le nourrissage du chevreuil parce que, la plupart du temps, la nourriture utilisée n'est pas adéquate (dans les pires cas, elle peut même provoquer la mort de l'animal). Cela favorise une concentration de bêtes à un même endroit, provoquant davantage d'accidents de la route (autour de 7000 par année) en plus de faciliter la propagation des maladies à cause de la densité de cerfs au même endroit.
L'affluence de chevreuils contribue aussi à la destruction massive des végétaux autour des lieux d'alimentation, notamment des arbres fruitiers ou décoratifs comme les haies de thuyas.
En dépit des avis des biologistes, le «nourrissage touristique», selon leur expression, se poursuit chaque hiver sur une grande échelle. Dans un seul endroit des Laurentides, on a dénombré plus de 475 mangeoires à chevreuils lors d'une tournée en voiture.