Par André A. Bellemare
Chroniqueur de chasse et de pêche Quotidien LE SOLEIL (Québec)
publié le jeudi 26 novembre 2009
Serions-nous au début d’une autre période triste, tragique même, quant à la chasse et à la récolte de cerfs de Virginie (chevreuils) au Québec ?
Le 24 novembre, selon les statistiques compilées jusqu’à maintenant cet automne par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MNRF), les quelques 175 000 chasseurs de chevreuil de chez nous n’avaient rapporté la récolte que de 35 5445 de ces cervidés (17 906 mâles adultes, 11 954 biches et 5585 faons, donc 17 539 cerfs sans bois; les biches et faons ont constitué la moitié de la récolte en 2009…).
C’est peu par comparaison aux 58 115 cerfs récoltés durant l’automne 2008 (31 487 mâles adultes, 18 014 biches et 8614 faons, donc 26 628 cerfs sans bois; encore là, la récolte avait été constitué de biches et faons pour près de la moitié…). Et c’est encore bien moins que les 75 938 chevreuils récoltés au Québec durant l’automne 2007 !
On voit que les très durs hiver et printemps de 2008 ont décimé nos hardes de cerfs. On comprend aussi que les conditions atmosphériques jouent chez nous un rôle majeur quant à la survie des cerfs… et de la chasse ; ce rôle-là ne peut pas être rapidement ni facilement déjoué par toutes les belles modalités de gestion que des scientifiques pourraient inventer…
Mais le ministère n’aurait-il pas aussi un peu trop charrié, durant les dernières années, dans la délivrance de permis spéciaux de chasse autorisant l’abattage des biches reproductrices et de leurs petits pour satisfaire des producteurs agricoles et forestiers membres de l’UPA se plaignant de dommages causés par les chevreuils aux champs cultivés ? Le MRNF devrait-il arrêter cet abattage exagéré de biches ?
N’oublions pas que c’est pour faire croître nos hardes de chevreuils que le Québec a décrété, voilà 35 ans (1974), la loi du mâle (la récolte des cerfs mâles uniquement). Durant ces trois décennies, en imposant de sévères restrictions aux chasseurs, les autorités québécoises ont réussi à presque multiplier par 100 notre cheptel de cerfs! Il faut souligner que ces autorités ont été particulièrement aidées par des hivers de plus en plus cléments, des printemps de plus en plus hâtifs, des étés de plus en plus longs, et des automnes de plus en plus chauds et tardifs…
Pourquoi faudrait-il maintenant réduire considérablement ce patrimoine faunique, acquis de peine et de misère, parce que certains producteurs agricoles et forestiers de certaines régions soutiennent que les chevreuils causent de soi-disant lourds dommages à leurs biens?
L’Union des producteurs agricoles (UPA) n’a pas encore réussi, malgré les demandes répétées des autorités gouvernementales et des chasseurs, à quantifier exactement ces dommages que leur causeraient les chevreuils… De plus en plus de chasseurs croient que certains producteurs agricoles et forestiers seraient tout simplement intéressés à vendre aux plus offrants les droits de chasse sur leurs terres privées… et qu’ils cherchent actuellement à les arracher aux autorités! Certains membres de l’UPA recherchent des trucs pour s’emparer de la vente des permis de chasse du chevreuil sur leurs terres privées… et certains fonctionnaires provinciaux ont adopté des mesures, depuis quelques années, qui conduisent indirectement, mais inéluctablement, à une privatisation de notre cheptel de chevreuils et de la pratique de la chasse du cerf de Virginie chez nous! Ce qui a été largement dénoncé récemment par des porte-parole des chasseurs et par des médias d’information de masse.
6500 permis de chasse « scientifiques »
Agissant depuis des mois dans la plus totale discrétion, de connivence avec l’UPA, les responsables régionaux du MRNF dans les Cantons-de-l’Est et dans la Montérégie, ont décidé de délivrer 6500 permis gratuits spéciaux de chasse du chevreuil autorisant 6500 chasseurs fréquentant une quarantaine de localités ciblées à abattre un second cerf à l’arme à feu, à compter du 31 octobre, pourvu que ce second chevreuil soit un cerf sans bois (une femelle adulte reproductrice ou bien un faon).
Ce n’est qu’à la mi-octobre, après avoir eu vent de cette affaire se tramant en coulisses dans sa région, que le collègue Luc Larochelle (chroniqueur pour le quotidien La Tribune, de Sherbrooke) a dévoilé le pot aux roses. Au moment où Larochelle écrivait son article, le MRNF n’avait pas encore délivré de communiqué aux médias pour que ces derniers puissent informer le public et les quelque 175 000 chasseurs concernés.
Contournant la procédure établie depuis de nombreuses années, des responsables régionaux du MRNF ont bien pris soin de ne pas informer leurs supérieurs hiérarchiques à Québec, ni de réclamer l’organisation d’un tirage au sort informatisé de ces 6500 permis par la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ), société d’État constituant l’autorité respectée dans ce domaine. Ils ont plutôt décidé de créer 6500 permis SEG (scientifiques, d’éducation et de gestion), puis de les donner aux producteurs agricoles et aux grands propriétaires terriens de certaines localités situées dans les zones provinciales de chasse nº4 et nº6. Les membres de l’UPA et autres propriétaires terriens privilégiés par l’exceptionnelle procédure du MRNF devront ensuite offrir à des chasseurs les permis spéciaux de chasse qu’ils auront ainsi obtenus… pour réduire le nombre de chevreuils causant les soi-disant dommages.
Jusqu’à 2009, les permis SEG ont été créés et délivrés avec parcimonie par Québec, et pour régler des cas vraiment hors de l’ordinaire. Mais, voilà quelques années, Québec avait bien tenté d’instaurer pareil système de délivrance par l’UPA de permis spéciaux pour la chasse du cerf dans l’île d’Orléans, ce qui avait soulevé l’ire de la composant régionale de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs.
Notez que les 6500 permis de chasse spéciaux dont je vous parle ici sont en sus des 31 660 permis spéciaux de chasse que la SEPAQ a tiré au sort pour tout le Québec à la mi-juin 2009. Tous ces permis sont délivrés parce que des membres de l’UPA se plaignent des dommages que les chevreuils causent à leurs champs cultivés et à leurs forêts privées.
Or, près du quart de 31 660 permis spéciaux déjà tirés par la SEPAQ étaient réservés à des propriétaires privés, surtout des agriculteurs et des forestiers — même s’ils ne sont pas des chasseurs certifiés et même s’ils ne chassent pas — ce qui les incite à les… revendre aux plus offrants ! Belle manière utilisée par le MRNF pour privatiser la pratique de la chasse et de la gestion du patrimoine faunique !
Même si MNRF disposait de suffisamment de fonctionnaires et de temps et d’argent pour s’occuper de la distribution extrêmement complexe et rapide (15 jours !…) de ces 6500 permis de chasse, c’est l’organisme CerfChasse — groupe à la création duquel a participé la Fédération québécoise des chasseurs et des pêcheurs — qui a été choisi pour accomplir la tâche… rétribuée à raison de 15 $ du permis délivré ! Il sera difficile pour la FQCP et pour CerfChasse de nier qu’il y a là une forte apparence de conflit d’intérêts pour eux, alors que leur but premier est la défense les intérêts des chasseurs.
C’est incompréhensible que tous, y incluant les agriculteurs et les forestiers, reconnaissent les chasseurs comme des outils essentiels de gestion de la faune, puis que tous tentent ensuite de siphonner l’argent dans les goussets de ces chasseurs pour que ces derniers puissent régler les problèmes… des agriculteurs et des forestiers ! Pourtant, les agriculteurs paient les déplacements des trappeurs qui capturent des ours noirs causant des dommages dans les champs de maïs… Pourquoi donc n’accorderaient-ils pas l’accès à leurs terres aux chasseurs qui les libéreront, comme ils le souhaitent, de chevreuils déprédateurs ? Et pourquoi donc la FQCP ne travaillerait-elle pas avec acharnement dans ce sens-là?
La FQCP s’insurge contre le MRNF
Lorsqu’elle a été informée de l’affaire des 6500 permis spéciaux de chasse SEG pour double abattage de cerfs en Estrie et en Montérégie, et lorsqu’elle a constaté le tollé que cette histoire-là a soulevé chez les quelque 175 000 chasseurs de chevreuil,, la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs (FQCP) a délivré un communiqué : elle s’y dit « extrêmement déçue de l’intention émanant du secteur Faune Québec en Estrie du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF). »
Pour la FQCP, cette décision soulève des questions « quant au réel intérêt de Faune Québec à la mise en valeur de la faune de notre province et à la notion de partenariat avec les organismes fauniques. »
La fédération reconnaît l’utilité des permis SEG (chasse scientifique, d’éducation et de gestion) pour régler des cas d’exception urgents. Mais la FQCP croit que l’utilisation en 2009 de ces permis comme outil de gestion des cerfs de l’Estrie « ne devient qu’une forme de gestion discrétionnaire qui évite de travailler à la recherche de solutions novatrices. Elle démontre également l’obstination de certains gestionnaires à ne laisser que très peu de place aux suggestions d’autres organisations. »
Pour la FQCP, il est sûr que la délivrance d’un aussi grand nombre de permis SEG à des propriétaires terriens « fait en sorte qu’on privatise une partie du cheptel de cerfs. » Elle ajoute : « Les différents gibiers appartiennent à tous les citoyens. »
La fédération souligne que le secteur Faune Québec en Estrie du MRNF veut donner « une apparence de contrôle de la situation aux yeux des gens touchés par la déprédation » (agriculteurs membres de l’UPA et des propriétaires membres de coopératives forestières). La FQCP écorche l’UPA, qui est « incapable de fournir de bilan précis sur les zones les plus touchées par la déprédation et sur la valeur à attribuer aux pertes encourues par les cultivateurs touchés. » La fédération souligne que « l’UPA a même souhaité recevoir des sommes d’argent du MRNF pour les aider à faire le portrait de la situation. »
La FQCP croit que « les chasseurs seront privés de milliers de cerfs à l’échelle du sud du Québec » si les hardes de chevreuils sont trop réduites en Estrie, tel que le demande l’UPA. Depuis les dernières semaines, l’insuccès global des chasseurs de chevreuil du Québec tend à prouver que les pires hypothèses de la FQCP étaient fondées.
Réparer ce qui n’est pas brisé?…
Depuis près de deux ans, les autorités gouvernementales québécoises responsables de la chasse négocient avec les différents porte-parole des chasseurs… et des agriculteurs pour établir le Plan de gestion du cerf de Virginie 2010-2017. Mais, déjà, certaines des belles hypothèses que tout ce beau monde a échafaudées ont perdu beaucoup de leur valeur.
En effet, pendant les négociations en cours, la récolte de chevreuils a diminué de moitié, comme on l’a vu : de 75 938 cerfs en 2007, elle est passée à 35 445 !
Ce qui a changé la donne en deux ans, ce sont les terribles conditions atmosphériques de l’hiver et du printemps de 2008 qui ont sensiblement éclairci les rangs dans les hardes de cerfs. Les conditions atmosphériques ont le don, chez nous, de démolir rapidement les plans de gestion les mieux structurés…
Le MRNF doit regretter amèrement maintenant — tous les chasseurs l’espèrent ! — d’avoir plié fréquemment, ces dernières années, devant les producteurs agricoles et forestiers de l’UPA qui réclamaient qu’on réduise le nombre de biches reproductrices pour diminuer la population de chevreuils causant de soi-disant lourds dommages aux cultures.
Pourtant, en 35 ans seulement, depuis 1974, le Québec avait réussi à presque centupler le nombre de cerfs en imposant ses sévères restrictions aux chasseurs, notamment l’obligation de protéger les biches en récoltant surtout des mâles. Si les responsables gouvernementaux de la chasse ne désirent pas qu’un fort pourcentage des quelque 175 000 chasseurs de chevreuil d’ici abandonne la récolte annuelle de ce gros gibier, il est plus que temps qu’ils réduisent leurs ardeurs quant à l’abattage des biches reproductrices ! Il pourrait tout aussi bien arriver, entre 2010 et 2017, que le Québec subisse des hivers et des printemps tout aussi cruels pour les cerfs qu’ils le furent en 2008.
Lorsque la chasse du chevreuil est aussi difficile qu’elle l’a été cet automne, le MRNF serait bien mal venu d’imposer bientôt aux chasseurs des restrictions sur l’appâtage et des expériences sur la taille légale des panaches des bucks ! Le ministère devrait… revoir, dès maintenant, les projets qu’il concocte encore à ces sujets-là pour 2010-2017…
Pour les plus curieux…
Cet automne, les 35 445 chevreuils récoltés jusqu’à maintenant et enregistrés officiellement par les chasseurs, ont été abattus avec différentes engins et armes autorisés légalement par le gouvernement.
Pour répondre aux questions qui me parviennent des plus curieux d’entre vous, je vous souligne que 24 635 de ces cerfs (70 %) ont été récoltés à la carabine moderne, 5725 à l’arbalète, 2787 à l’arme à feu à chargement par la bouche, 1401 à l’arc et 897 au fusil de chasse à canon à âme lisse.
Chroniqueur de chasse et de pêche Quotidien LE SOLEIL (Québec)
publié le jeudi 26 novembre 2009
Serions-nous au début d’une autre période triste, tragique même, quant à la chasse et à la récolte de cerfs de Virginie (chevreuils) au Québec ?
Le 24 novembre, selon les statistiques compilées jusqu’à maintenant cet automne par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MNRF), les quelques 175 000 chasseurs de chevreuil de chez nous n’avaient rapporté la récolte que de 35 5445 de ces cervidés (17 906 mâles adultes, 11 954 biches et 5585 faons, donc 17 539 cerfs sans bois; les biches et faons ont constitué la moitié de la récolte en 2009…).
C’est peu par comparaison aux 58 115 cerfs récoltés durant l’automne 2008 (31 487 mâles adultes, 18 014 biches et 8614 faons, donc 26 628 cerfs sans bois; encore là, la récolte avait été constitué de biches et faons pour près de la moitié…). Et c’est encore bien moins que les 75 938 chevreuils récoltés au Québec durant l’automne 2007 !
On voit que les très durs hiver et printemps de 2008 ont décimé nos hardes de cerfs. On comprend aussi que les conditions atmosphériques jouent chez nous un rôle majeur quant à la survie des cerfs… et de la chasse ; ce rôle-là ne peut pas être rapidement ni facilement déjoué par toutes les belles modalités de gestion que des scientifiques pourraient inventer…
Mais le ministère n’aurait-il pas aussi un peu trop charrié, durant les dernières années, dans la délivrance de permis spéciaux de chasse autorisant l’abattage des biches reproductrices et de leurs petits pour satisfaire des producteurs agricoles et forestiers membres de l’UPA se plaignant de dommages causés par les chevreuils aux champs cultivés ? Le MRNF devrait-il arrêter cet abattage exagéré de biches ?
N’oublions pas que c’est pour faire croître nos hardes de chevreuils que le Québec a décrété, voilà 35 ans (1974), la loi du mâle (la récolte des cerfs mâles uniquement). Durant ces trois décennies, en imposant de sévères restrictions aux chasseurs, les autorités québécoises ont réussi à presque multiplier par 100 notre cheptel de cerfs! Il faut souligner que ces autorités ont été particulièrement aidées par des hivers de plus en plus cléments, des printemps de plus en plus hâtifs, des étés de plus en plus longs, et des automnes de plus en plus chauds et tardifs…
Pourquoi faudrait-il maintenant réduire considérablement ce patrimoine faunique, acquis de peine et de misère, parce que certains producteurs agricoles et forestiers de certaines régions soutiennent que les chevreuils causent de soi-disant lourds dommages à leurs biens?
L’Union des producteurs agricoles (UPA) n’a pas encore réussi, malgré les demandes répétées des autorités gouvernementales et des chasseurs, à quantifier exactement ces dommages que leur causeraient les chevreuils… De plus en plus de chasseurs croient que certains producteurs agricoles et forestiers seraient tout simplement intéressés à vendre aux plus offrants les droits de chasse sur leurs terres privées… et qu’ils cherchent actuellement à les arracher aux autorités! Certains membres de l’UPA recherchent des trucs pour s’emparer de la vente des permis de chasse du chevreuil sur leurs terres privées… et certains fonctionnaires provinciaux ont adopté des mesures, depuis quelques années, qui conduisent indirectement, mais inéluctablement, à une privatisation de notre cheptel de chevreuils et de la pratique de la chasse du cerf de Virginie chez nous! Ce qui a été largement dénoncé récemment par des porte-parole des chasseurs et par des médias d’information de masse.
6500 permis de chasse « scientifiques »
Agissant depuis des mois dans la plus totale discrétion, de connivence avec l’UPA, les responsables régionaux du MRNF dans les Cantons-de-l’Est et dans la Montérégie, ont décidé de délivrer 6500 permis gratuits spéciaux de chasse du chevreuil autorisant 6500 chasseurs fréquentant une quarantaine de localités ciblées à abattre un second cerf à l’arme à feu, à compter du 31 octobre, pourvu que ce second chevreuil soit un cerf sans bois (une femelle adulte reproductrice ou bien un faon).
Ce n’est qu’à la mi-octobre, après avoir eu vent de cette affaire se tramant en coulisses dans sa région, que le collègue Luc Larochelle (chroniqueur pour le quotidien La Tribune, de Sherbrooke) a dévoilé le pot aux roses. Au moment où Larochelle écrivait son article, le MRNF n’avait pas encore délivré de communiqué aux médias pour que ces derniers puissent informer le public et les quelque 175 000 chasseurs concernés.
Contournant la procédure établie depuis de nombreuses années, des responsables régionaux du MRNF ont bien pris soin de ne pas informer leurs supérieurs hiérarchiques à Québec, ni de réclamer l’organisation d’un tirage au sort informatisé de ces 6500 permis par la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ), société d’État constituant l’autorité respectée dans ce domaine. Ils ont plutôt décidé de créer 6500 permis SEG (scientifiques, d’éducation et de gestion), puis de les donner aux producteurs agricoles et aux grands propriétaires terriens de certaines localités situées dans les zones provinciales de chasse nº4 et nº6. Les membres de l’UPA et autres propriétaires terriens privilégiés par l’exceptionnelle procédure du MRNF devront ensuite offrir à des chasseurs les permis spéciaux de chasse qu’ils auront ainsi obtenus… pour réduire le nombre de chevreuils causant les soi-disant dommages.
Jusqu’à 2009, les permis SEG ont été créés et délivrés avec parcimonie par Québec, et pour régler des cas vraiment hors de l’ordinaire. Mais, voilà quelques années, Québec avait bien tenté d’instaurer pareil système de délivrance par l’UPA de permis spéciaux pour la chasse du cerf dans l’île d’Orléans, ce qui avait soulevé l’ire de la composant régionale de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs.
Notez que les 6500 permis de chasse spéciaux dont je vous parle ici sont en sus des 31 660 permis spéciaux de chasse que la SEPAQ a tiré au sort pour tout le Québec à la mi-juin 2009. Tous ces permis sont délivrés parce que des membres de l’UPA se plaignent des dommages que les chevreuils causent à leurs champs cultivés et à leurs forêts privées.
Or, près du quart de 31 660 permis spéciaux déjà tirés par la SEPAQ étaient réservés à des propriétaires privés, surtout des agriculteurs et des forestiers — même s’ils ne sont pas des chasseurs certifiés et même s’ils ne chassent pas — ce qui les incite à les… revendre aux plus offrants ! Belle manière utilisée par le MRNF pour privatiser la pratique de la chasse et de la gestion du patrimoine faunique !
Même si MNRF disposait de suffisamment de fonctionnaires et de temps et d’argent pour s’occuper de la distribution extrêmement complexe et rapide (15 jours !…) de ces 6500 permis de chasse, c’est l’organisme CerfChasse — groupe à la création duquel a participé la Fédération québécoise des chasseurs et des pêcheurs — qui a été choisi pour accomplir la tâche… rétribuée à raison de 15 $ du permis délivré ! Il sera difficile pour la FQCP et pour CerfChasse de nier qu’il y a là une forte apparence de conflit d’intérêts pour eux, alors que leur but premier est la défense les intérêts des chasseurs.
C’est incompréhensible que tous, y incluant les agriculteurs et les forestiers, reconnaissent les chasseurs comme des outils essentiels de gestion de la faune, puis que tous tentent ensuite de siphonner l’argent dans les goussets de ces chasseurs pour que ces derniers puissent régler les problèmes… des agriculteurs et des forestiers ! Pourtant, les agriculteurs paient les déplacements des trappeurs qui capturent des ours noirs causant des dommages dans les champs de maïs… Pourquoi donc n’accorderaient-ils pas l’accès à leurs terres aux chasseurs qui les libéreront, comme ils le souhaitent, de chevreuils déprédateurs ? Et pourquoi donc la FQCP ne travaillerait-elle pas avec acharnement dans ce sens-là?
La FQCP s’insurge contre le MRNF
Lorsqu’elle a été informée de l’affaire des 6500 permis spéciaux de chasse SEG pour double abattage de cerfs en Estrie et en Montérégie, et lorsqu’elle a constaté le tollé que cette histoire-là a soulevé chez les quelque 175 000 chasseurs de chevreuil,, la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs (FQCP) a délivré un communiqué : elle s’y dit « extrêmement déçue de l’intention émanant du secteur Faune Québec en Estrie du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF). »
Pour la FQCP, cette décision soulève des questions « quant au réel intérêt de Faune Québec à la mise en valeur de la faune de notre province et à la notion de partenariat avec les organismes fauniques. »
La fédération reconnaît l’utilité des permis SEG (chasse scientifique, d’éducation et de gestion) pour régler des cas d’exception urgents. Mais la FQCP croit que l’utilisation en 2009 de ces permis comme outil de gestion des cerfs de l’Estrie « ne devient qu’une forme de gestion discrétionnaire qui évite de travailler à la recherche de solutions novatrices. Elle démontre également l’obstination de certains gestionnaires à ne laisser que très peu de place aux suggestions d’autres organisations. »
Pour la FQCP, il est sûr que la délivrance d’un aussi grand nombre de permis SEG à des propriétaires terriens « fait en sorte qu’on privatise une partie du cheptel de cerfs. » Elle ajoute : « Les différents gibiers appartiennent à tous les citoyens. »
La fédération souligne que le secteur Faune Québec en Estrie du MRNF veut donner « une apparence de contrôle de la situation aux yeux des gens touchés par la déprédation » (agriculteurs membres de l’UPA et des propriétaires membres de coopératives forestières). La FQCP écorche l’UPA, qui est « incapable de fournir de bilan précis sur les zones les plus touchées par la déprédation et sur la valeur à attribuer aux pertes encourues par les cultivateurs touchés. » La fédération souligne que « l’UPA a même souhaité recevoir des sommes d’argent du MRNF pour les aider à faire le portrait de la situation. »
La FQCP croit que « les chasseurs seront privés de milliers de cerfs à l’échelle du sud du Québec » si les hardes de chevreuils sont trop réduites en Estrie, tel que le demande l’UPA. Depuis les dernières semaines, l’insuccès global des chasseurs de chevreuil du Québec tend à prouver que les pires hypothèses de la FQCP étaient fondées.
Réparer ce qui n’est pas brisé?…
Depuis près de deux ans, les autorités gouvernementales québécoises responsables de la chasse négocient avec les différents porte-parole des chasseurs… et des agriculteurs pour établir le Plan de gestion du cerf de Virginie 2010-2017. Mais, déjà, certaines des belles hypothèses que tout ce beau monde a échafaudées ont perdu beaucoup de leur valeur.
En effet, pendant les négociations en cours, la récolte de chevreuils a diminué de moitié, comme on l’a vu : de 75 938 cerfs en 2007, elle est passée à 35 445 !
Ce qui a changé la donne en deux ans, ce sont les terribles conditions atmosphériques de l’hiver et du printemps de 2008 qui ont sensiblement éclairci les rangs dans les hardes de cerfs. Les conditions atmosphériques ont le don, chez nous, de démolir rapidement les plans de gestion les mieux structurés…
Le MRNF doit regretter amèrement maintenant — tous les chasseurs l’espèrent ! — d’avoir plié fréquemment, ces dernières années, devant les producteurs agricoles et forestiers de l’UPA qui réclamaient qu’on réduise le nombre de biches reproductrices pour diminuer la population de chevreuils causant de soi-disant lourds dommages aux cultures.
Pourtant, en 35 ans seulement, depuis 1974, le Québec avait réussi à presque centupler le nombre de cerfs en imposant ses sévères restrictions aux chasseurs, notamment l’obligation de protéger les biches en récoltant surtout des mâles. Si les responsables gouvernementaux de la chasse ne désirent pas qu’un fort pourcentage des quelque 175 000 chasseurs de chevreuil d’ici abandonne la récolte annuelle de ce gros gibier, il est plus que temps qu’ils réduisent leurs ardeurs quant à l’abattage des biches reproductrices ! Il pourrait tout aussi bien arriver, entre 2010 et 2017, que le Québec subisse des hivers et des printemps tout aussi cruels pour les cerfs qu’ils le furent en 2008.
Lorsque la chasse du chevreuil est aussi difficile qu’elle l’a été cet automne, le MRNF serait bien mal venu d’imposer bientôt aux chasseurs des restrictions sur l’appâtage et des expériences sur la taille légale des panaches des bucks ! Le ministère devrait… revoir, dès maintenant, les projets qu’il concocte encore à ces sujets-là pour 2010-2017…
Pour les plus curieux…
Cet automne, les 35 445 chevreuils récoltés jusqu’à maintenant et enregistrés officiellement par les chasseurs, ont été abattus avec différentes engins et armes autorisés légalement par le gouvernement.
Pour répondre aux questions qui me parviennent des plus curieux d’entre vous, je vous souligne que 24 635 de ces cerfs (70 %) ont été récoltés à la carabine moderne, 5725 à l’arbalète, 2787 à l’arme à feu à chargement par la bouche, 1401 à l’arc et 897 au fusil de chasse à canon à âme lisse.