Le samedi 15 mars 2008
Neige abondante: des dizaines de milliers de chevreuils condamnés
Pierre Gingras
La Presse
La neige abondante qui recouvre une grande partie du Québec méridional devrait se traduire par une importante mortalité dans la population de cerfs de Virginie ce printemps, indiquent les dernières données du ministère des Ressources naturelles
Le couvert de neige a été considérable tout au long de l'hiver sur le territoire du chevreuil et la situation s'est encore détériorée avec la dernière tempête, exception faite de la Montérégie et de l'Estrie qui ont connu du temps plus doux qu'ailleurs. Récemment, il y pleuvait alors que le reste du Québec était enseveli sous la neige.
Selon le porte-parole du ministère, Claude Daigle, le taux de mortalité pourrait atteindre de 10 à 40% selon les régions, soit quelques dizaines de milliers de bêtes, ce qui est normal en pareil cas, fait-il valoir. La population de chevreuils au Québec (sans l'île Anticosti) était de 267 000 bêtes lors de l'inventaire réalisé en 2004, mais atteindrait aujourd'hui les 300 000, un record historique.
Le ministère insiste toutefois pour qu'on ne nourrisse pas les chevreuils en difficulté et qu'on laisse la nature suivre son cours.
C'est habituellement en mars que la survie du chevreuil devient problématique lorsque l'hiver est très enneigé. Présent jusqu'en Amérique du Sud (Brésil, Bolivie, nord du Pérou), le cerf de Virginie est le cervidé le plus abondant en Amérique du Nord. On avance parfois le chiffre de 30 millions de têtes, dont plus de cinq millions au Texas.
Le Québec constitue la limite nordique de son aire de distribution et ce n'est que dans les années 1820, quand les grandes forêts du sud de la province ont laissé la place à l'agriculture, que le cerf de Virginie a commencé à peupler le territoire. C'est aussi dans le nord que l'animal se confine le plus souvent dans les ravages au cours de l'hiver, des endroits protégés par un couvert végétal de conifères. En raison des sentiers tracés quotidiennement par leur passage, les cerfs peuvent accéder à leur nourriture plus facilement.
Toutefois, quand la neige devient très abondante, les cerfs s'y enfoncent beaucoup et ils doivent dépenser trop d'énergie pour se nourrir. Lorsque l'enfoncement dépasse les 50 cm, l'animal dépense plus d'énergie pour se déplacer que ce que la nourriture peut lui apporter. Surtout constituées de ramilles, les ressources alimentaires hivernales du chevreuil sont de piètre qualité.
Les batteries qui s'épuisent
«On peut faire l'analogie avec une pile, explique M. Daigle. L'automne, la pile est chargée à bloc, mais elle perd son énergie tout au long de l'hiver à chaque utilisation. Quand le couvert de neige est important et que le chevreuil a de la difficulté à se déplacer, il utilise toute son énergie et, en mars, il est au bout de ses forces. S'il ne peut alors accéder à de la nourriture facilement et rapidement, il meurt de faim. Ce sont les jeunes de l'année précédente qui sont les plus vulnérables.»
Par le passé, dans des situations similaires, le taux de mortalité a déjà atteint 40% chez certaines populations.
Cet hiver, la profondeur d'enfoncement a dépassé les 50 cm à maintes reprises. Dans certains coins des Laurentides, elle atteignait récemment 52 cm, juste avant la tempête qui a balayé le Québec, ajoutant un autre 25 à 30 cm de neige sur la région.
Si on peut s'attendre à une baisse de la population, le cerf de Virginie reste néanmoins un animal prolifique. Une femelle produit habituellement deux petits chaque année. Il suffirait de deux ou trois hivers propices, comme on en a connu plusieurs au cours des récentes années, pour combler les effectifs disparus.
D'ailleurs dans plusieurs régions, on avait même augmenté considérablement les quotas de chasse pour réduire la population, si bien que l'automne dernier, 65 000 chevreuils ont été abattus au Québec, le plus important tableau de chasse jusqu'à maintenant. Les chasseurs de chevreuil sont d'ailleurs plus nombreux que jamais: on en comptait 171 000 en novembre 2007.
Comme cela est prévisible, il suffira de réduire le nombre de permis de chasse spéciaux (qui permettent d'abattre jeunes, femelles et mâles) pour limiter la pression de chasse. Au Québec, la loi du mâle (seul un mâle peut être normalement abattu) est en vigueur depuis 1974, une mesure de protection qui visait alors à augmenter la population (il s'était abattu 1100 bêtes cette année-là). Au fil du temps, le gouvernement a émis des permis spéciaux permettant d'abattre plus de cerfs afin de limiter justement la prolifération du cervidé.
Neige abondante: des dizaines de milliers de chevreuils condamnés
Pierre Gingras
La Presse
La neige abondante qui recouvre une grande partie du Québec méridional devrait se traduire par une importante mortalité dans la population de cerfs de Virginie ce printemps, indiquent les dernières données du ministère des Ressources naturelles
Le couvert de neige a été considérable tout au long de l'hiver sur le territoire du chevreuil et la situation s'est encore détériorée avec la dernière tempête, exception faite de la Montérégie et de l'Estrie qui ont connu du temps plus doux qu'ailleurs. Récemment, il y pleuvait alors que le reste du Québec était enseveli sous la neige.
Selon le porte-parole du ministère, Claude Daigle, le taux de mortalité pourrait atteindre de 10 à 40% selon les régions, soit quelques dizaines de milliers de bêtes, ce qui est normal en pareil cas, fait-il valoir. La population de chevreuils au Québec (sans l'île Anticosti) était de 267 000 bêtes lors de l'inventaire réalisé en 2004, mais atteindrait aujourd'hui les 300 000, un record historique.
Le ministère insiste toutefois pour qu'on ne nourrisse pas les chevreuils en difficulté et qu'on laisse la nature suivre son cours.
C'est habituellement en mars que la survie du chevreuil devient problématique lorsque l'hiver est très enneigé. Présent jusqu'en Amérique du Sud (Brésil, Bolivie, nord du Pérou), le cerf de Virginie est le cervidé le plus abondant en Amérique du Nord. On avance parfois le chiffre de 30 millions de têtes, dont plus de cinq millions au Texas.
Le Québec constitue la limite nordique de son aire de distribution et ce n'est que dans les années 1820, quand les grandes forêts du sud de la province ont laissé la place à l'agriculture, que le cerf de Virginie a commencé à peupler le territoire. C'est aussi dans le nord que l'animal se confine le plus souvent dans les ravages au cours de l'hiver, des endroits protégés par un couvert végétal de conifères. En raison des sentiers tracés quotidiennement par leur passage, les cerfs peuvent accéder à leur nourriture plus facilement.
Toutefois, quand la neige devient très abondante, les cerfs s'y enfoncent beaucoup et ils doivent dépenser trop d'énergie pour se nourrir. Lorsque l'enfoncement dépasse les 50 cm, l'animal dépense plus d'énergie pour se déplacer que ce que la nourriture peut lui apporter. Surtout constituées de ramilles, les ressources alimentaires hivernales du chevreuil sont de piètre qualité.
Les batteries qui s'épuisent
«On peut faire l'analogie avec une pile, explique M. Daigle. L'automne, la pile est chargée à bloc, mais elle perd son énergie tout au long de l'hiver à chaque utilisation. Quand le couvert de neige est important et que le chevreuil a de la difficulté à se déplacer, il utilise toute son énergie et, en mars, il est au bout de ses forces. S'il ne peut alors accéder à de la nourriture facilement et rapidement, il meurt de faim. Ce sont les jeunes de l'année précédente qui sont les plus vulnérables.»
Par le passé, dans des situations similaires, le taux de mortalité a déjà atteint 40% chez certaines populations.
Cet hiver, la profondeur d'enfoncement a dépassé les 50 cm à maintes reprises. Dans certains coins des Laurentides, elle atteignait récemment 52 cm, juste avant la tempête qui a balayé le Québec, ajoutant un autre 25 à 30 cm de neige sur la région.
Si on peut s'attendre à une baisse de la population, le cerf de Virginie reste néanmoins un animal prolifique. Une femelle produit habituellement deux petits chaque année. Il suffirait de deux ou trois hivers propices, comme on en a connu plusieurs au cours des récentes années, pour combler les effectifs disparus.
D'ailleurs dans plusieurs régions, on avait même augmenté considérablement les quotas de chasse pour réduire la population, si bien que l'automne dernier, 65 000 chevreuils ont été abattus au Québec, le plus important tableau de chasse jusqu'à maintenant. Les chasseurs de chevreuil sont d'ailleurs plus nombreux que jamais: on en comptait 171 000 en novembre 2007.
Comme cela est prévisible, il suffira de réduire le nombre de permis de chasse spéciaux (qui permettent d'abattre jeunes, femelles et mâles) pour limiter la pression de chasse. Au Québec, la loi du mâle (seul un mâle peut être normalement abattu) est en vigueur depuis 1974, une mesure de protection qui visait alors à augmenter la population (il s'était abattu 1100 bêtes cette année-là). Au fil du temps, le gouvernement a émis des permis spéciaux permettant d'abattre plus de cerfs afin de limiter justement la prolifération du cervidé.