Un petit groupe de chasseurs québécois de chevreuil — des sympathisants du mouvement d'origine états-unienne Quality Deer Management (QDM) — tente de faire restreindre par règlement provincial la récolte des cerfs mâles en alléguant l'amélioration future de la qualité de notre cheptel de cerfs de Virginie. Depuis quelques années, les membres de ce groupe tentent sans relâche de faire mettre en place au Québec une réglementation restrictive à leur goût; ils ont repris avec force leurs pressions politiques depuis le printemps. Mais, avec l'élection du nouveau gouvernement québécois survenue durant la semaine dernière, la réalisation de leur projet sera sans doute retardée. Car il est de notoriété publique que le Parti québécois (PQ) a toujours été opposé à un mode de gestion de notre faune ayant des relents de clubs privés. Les dirigeants administratifs du secteur Faune, au ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), ne voudront assurément pas confronter les nouveaux dirigeants politiques du Québec avec un projet aussi peu rassembleur.
Ce groupe restreint de chasseurs émules du QDM aurait voulu que, dès l'automne 2013, les autorités n'autorisent que l'abattage des cerfs mâles matures portant des bois comportant au moins trois pointes sur un côté... En fait, cela signifie que, dans bien des cas, les chasseurs seraient alors autorisés à récolter uniquement des bucks six pointes et plus. Pour ne pas provoquer un tollé chez les quelque 175000 adeptes de la chasse du chevreuil de chez nous, le groupe QDM propose aux autorités de procéder progressivement, à petits pas, de façon expérimentale, pour l'implantation d'une telle réglementation restrictive.
Ils prétendent qu'ils pourront accueillir plus tard plus de chasseurs dans leurs zones de chasse, parce qu'il y aurait alors là plus de gros bucks matures à récolter : or, faut-il le rappeler, les terres propices à la chasse dans ces zones-là sont privées à 97 %! Et, selon des scientifiques du MRNF, il n'est pas assuré du tout qu'il y aura plus de chevreuils au Québec dans quelques années si l'on y appliquait la philosophie du QDM! En fait, les chasseurs se serreraient la ceinture pour procurer plus de plaisir et de satisfaction à ceux qui ont le privilège de posséder ou de louer d'immenses terres propices à la chasse.
Les propriétaires de ces terres-là exigent souvent des coûts élevés pour les louer à des chasseurs, s'ils n'y chassent pas eux-mêmes. Des propriétaires privés — qui obtiennent un fort pourcentage des permis de chasse spéciaux gratuits pour la récolte des biches et faons offerts lors du tirage printanier annuel organisé par le gouvernement — revendent ensuite souvent ces permis à fort prix à des chasseurs provenant des grandes villes.
Les promoteurs du projet du QDM se disent eux-mêmes conscients qu'ils sont bien loin de faire l'unanimité chez les quelque 175000 chasseurs de cerf du Québec. Dans les milieux informés sur la gestion de notre patrimoine faunique, c'est connu que des scientifiques du MRNF ne favorisent nullement un pareil projet et n'en voient pas la nécessité actuelle. D'ailleurs, depuis des années, ces scientifiques du ministère ont très bien exposé leurs arguments aux promoteurs du QDM contre la réalisation de leur projet. Mais le groupe QDM n'accepte pas les conclusions de ces scientifiques, et ils cherchent même à se substituer à eux! Le groupe QDM se comporte comme l'unique détenteur de la vérité, et se présente comme un regroupement d'adeptes plus évolués que la masse des autres chasseurs de chevreuil.
Pourquoi ces membres et sympathisants du QDM ne se contentent-ils pas d'appliquer leur philosophie sur leurs terres personnelles et dans leurs clubs privés, en laissant aux autres chasseurs le libre choix de prélever légalement les chevreuils qu'ils désirent récolter? C'est la question que se posent de très nombreux chasseurs de chevreuil; malheureusement, ces derniers chasseurs sont snobés par les membres et sympathisants du QDM, qui les ridiculisent et les traitent de «non évolués»...
En fin de compte, ce sont les politiciens et les hauts fonctionnaires du MRNF qui décideront si un projet pilote et expérimental sera appliqué en région : voilà pourquoi les sympathisants de la philosophie du QDM multiplient les pressions en haut lieu, en faisant intervenir tous leurs contacts pour y parvenir. C'est ce qui choque les chasseurs ordinaires ne possédant pas de grandes terres ou ne pouvant devenir membres de clubs privés louant de vastes territoires boisés.
La majorité des 175000 chasseurs de chevreuil de chez nous refusent qu'un groupe limité de chasseurs, qu'ils qualifient de doctrinaires, leur force cette philosophie dans la gorge sans respecter leur choix individuel. Le débat sur ce projet s'envenime dans les forums dédiés du Web et sur les réseaux sociaux. C'est désolant de lire là les charges à fond de train de sympathisants du QDM contre quiconque ne partage pas entièrement leur philosophie : les épithètes les plus disgracieuses et les insultes les plus répréhensibles pleuvent sur les personnes qui osent critiquer leur projet; on ridiculise et on démonise sans vergogne les opposants au QDM. Évidemment, les promoteurs du QDM prétendent toujours qu'ils écoutent et analysent avec le plus grand sérieux et le plus grand respect tous les commentaires que suscite leur projet...
Durant cette même enquête pour le MRNF, on a demandé aux chasseurs sondés s'ils laisseraient passer sans tirer des jeunes mâles âgés de moins d'un an et demi (des daguets ou spikes), et 66 % des chasseurs ont répondu qu'ils le feraient. Les scientifiques du ministère considèrent que ces chasseurs-là ont ainsi démontré qu'ils se conformeraient à une règle restrictive, si le MRNF décidait d'en imposer une à tous les chasseurs de chevreuil du Québec; mais les scientifiques ont compris que ce n'était pas le désir des ces chasseurs-là de voir le ministère imposer une telle règle restrictive... Toutefois, les promoteurs et sympathisants du QDM interprètent cette réponse de 66 % des chasseurs sondés comme une «demande» de restriction sur la taille légale des bois pour la chasse du cerf de Virginie (RTLB)...
Quant aux promoteurs du QDM, ils ont tenu une consultation non scientifique prolongée, dans un site Web, consultation que les opposants à une réglementation restrictive dénoncent : cette consultation — qui donnerait comme résultat que plus de 75 % des participants auraient réclamé une réglementation restrictive sur la taille légale des bois des chevreuils mâles abattus — a constamment été noyautée par des membres et sympathisants du QDM...
La présentation du projet du groupe QDM a été faite à des groupes restreints, dont les fameux Groupe Faune régionaux et national, organismes consultatifs du ministre des Ressources naturelles et de la Faune. Le cabinet du ministre du MRNF, comme c'est son habitude depuis quelques années, s'est bien gardé de répandre largement l'information à ce sujet-là. Les organisations diverses invitées par le ministre du MRNF à participer aux réunions du Groupe Faune national et des Groupe Faune régionaux ont imité en cela le cabinet du ministre.
Ça ne s'arrête pas là... Le groupe QDM réclame aussi du MRNF qu'il vende un permis de chasse exclusif à la zone provinciale nº 6-Nord. On sait que la majorité des chasseurs de chevreuil ont rejeté dans le passé le projet d'instaurer un permis de zone pour chasser le chevreuil. Un tel permis, on le sait, restreint la mobilité des chasseurs dans la province, et restreint l'accessibilité aux différentes zones provinciales de chasse. La chasse du chevreuil est la chasse du monde ordinaire, qui décide d'aller chasser à quelques jours ou même à quelques heures d'avis : un travailleur qui peut se négocier un congé à la toute dernière minute, selon les circonstances du moment dans l'entreprise qui l'emploie, ou qui peut être invité par un parent ou d'un ami pour aller chasser sur des terres déjà appâtées, décidera d'aller chasser le chevreuil à peu de temps d'avis, tout dépendant aussi des conditions atmosphériques du moment dans la région visée; ce travailleur-là ne souhaite pas qu'on lui bloque l'accès à des zones provinciales de chasse parce qu'il n'aurait pas préalablement acheté un permis de chasse de zone. Et si un chasseur n'obtient pas le succès escompté dans une zone provinciale qu'il fréquente, il peut actuellement aller chasser dans une autre zone ouverte plus longtemps que la sienne pour la récolte du chevreuil, contribuant ainsi à l'économie des différentes régions où il voyage pour s'adonner à sa passion de la chasse. C'est pour ces raisons que le ministère a instauré différentes saisons de chasse du chevreuil (à l'arc, à l'arbalète, à la carabine moderne, à l'arme à feu à chargement par la bouche...); ces saisons ne surviennent pas aux mêmes dates dans toutes les zones provinciales de chasse, pour permettre aux chasseurs intéressés de voyager d'une zone à l'autre et de participer ainsi au progrès économique des régions excentriques.
Le groupe QDM réclame aussi du MRNF l'harmonisation des dates de la saison de chasse avec arme à feu dans la zone nº 6-Nord avec celles de la saison de chasse avec l'arme à poudre noire dans la zone nº 8-Est... pour empêcher les chasseurs arrivant de la zone nº 8-Est de venir exercer une trop forte pression de chasse dans la zone nº 6-Nord... Le groupe QDM réclame aussi le remplacement de la post-saison de neuf jours à l'arme à chargement par la bouche (dite arme à poudre noire) par une saison de quatre jours de chasse à l'arme à poudre noire qui surviendrait entre la période de chasse à l'arc et à l'arbalète et la période de l'arme à feu. Pourquoi cette dernière exigence? Pour récolter des biches avant la période du rut «pour améliorer en pré-saison le ratio mâles/femelles, et ainsi éviter aux mâles restants des efforts inutiles...»
Le groupe QDM aurait voulu que les modifications à la réglementation s'appliquent dès l'automne 2013. Mais il n'y a maintenant rien de moins sûr : le débat sur la religion des membres et des sympathisants du QDM prend de l'ampleur à mesure que leur projet est plus largement connu par la confrérie des chasseurs de chevreuil... Les nouveaux gouvernants du Québec y songeront à deux fois plutôt qu'une avant de s'engager tête baissée dans ce qui paraît un bourbier.
Ils rappellent que la population de cerfs est en croissance depuis 20 ans «malgré le niveau de prélèvement élevé et continu». Ils notent que la vente des permis de chasse du chevreuil est en croissance, et que la grande majorité des chasseurs participe volontiers au tirage annuel de permis spéciaux autorisant la récolte des biches et faons.
Ces biologistes savent que, si les chasseurs «laissent passer» les jeunes cerfs mâles, 12 % de ces derniers risquent de mourir avant d'atteindre deux ans : maladie, collision avec un véhicule, chasse, braconnage, hiver et printemps peu cléments, etc. Si le nombre de mâles diminue trop durant l'hiver, les scientifiques protègeront alors plus de biches durant la chasse de l'automne suivant. Ces biches-là donneront naissance à des faons, mais les jeunes mâles ne seront pas assez âgés pour être récoltés durant l'automne qui suivra (dans deux ans). Il faudra donc que les chasseurs attendent au moins trois ans pour abattre des bucks portant des bois dont au moins un comportera trois pointes... Dans les zones de chasse de la Beauce, des Bois-Francs, de l'Amiante et des Cantons-de-l'Est, l'hiver vient tuer des cerfs mâles adultes en quantité appréciable. Comme le disent les scientifiques : la grande charrue blanche vient bouleverser les prédictions, les plans de gestion et la réglementation sans prévenir longtemps à l'avance!
Les scientifiques du MRNF ont pourtant écrit noir sur blanc, puis communiqué aux sympathisants de la philosophie du QDM, que l'adoption d'une réglementation restrictive sur la récolte des mâles (minimum de trois pointes sur l'un des côtés du panache) comporte beaucoup trop de risques et d'impacts potentiels pour qu'ils l'acceptent. Mais les membres et sympathisants de la QDM persistent à vouloir imposer leurs idées malgré cette opposition des scientifiques du MRNF, et ils font alors jouer leurs contacts au niveau politique.
Selon les biologistes gouvernementaux, la diminution de la récolte des chevreuils mâles matures serait d'environ 60 % pendant les trois ou quatre premières années de l'implantation d'une réglementation restrictive. Ensuite, la diminution permanente de la récolte des bucks serait de 10 % à 15 % par année; il ne faut pas oublier qu'il y aura toujours, en plus, une mortalité de 15 % à 20 % des mâles épargnés par les chasseurs (maladie, accidents, braconnage, tempêtes de neige...). À cause de toutes ces raisons — à cause aussi de la difficulté d'identification des pointes sur les bois des cerfs en vraie situation de chasse en forêt — il risque d'y avoir une diminution sensible du nombre des chasseurs, surtout du côté de la relève jugée capitale par les scientifiques. Car, ne l'oublions pas, les chasseurs demeurent le principal outil de gestion de notre patrimoine faunique aux mains des scientifiques du gouvernement! Il y a un fort risque de disparition accélérée de cet outil de gestion, surtout au moment où l'on mentionne le vieillissement rapide des générations actuelles d'adeptes de la chasse.
La récolte devenant de plus en plus faible à cause de la diminution des chasseurs, il y a risque à moyen terme du vieillissement des cerfs mâles adultes, puis d'une augmentation du pourcentage des mâles dans le cheptel, puis d'une reproduction soudainement accrue et d'une surpopulation de cerfs. Mais, lorsqu'il restera beaucoup moins de chasseurs intéressés dans quelques années, comment fera-t-on pour inciter des gens à récolter plus de biches et de faons afin de prévenir une explosion incontrôlable des hardes suivie d'une implosion ou crash du cheptel? Comme cela est survenu en l'espace d'environ une décennie dans le cas du caribou de la toundra québécoise... Voilà ce qui inquiète les scientifiques et ce qui les retient de promouvoir la philosophie QDM.
Les scientifiques veulent éviter à tout prix d'adopter un plan de gestion du cerf de Virginie basé uniquement sur une sélection phénotypique (basée sur des caractères physiques apparents, comme les bois des mâles). Ils sont favorables à un plan de gestion basé sur un ensemble de critères plus étendu et plus complexe, comme ce fut le cas au Québec depuis maintenant près de quatre décennies. Des scientifiques de notre province font d'ailleurs remarquer que la philosophie du QDM est en régression aux États-Unis à la suite d'expériences qui ont été néfastes. Ce fut notamment le cas de la chasse du mouflon d'Amérique : après 30 ans d'une chasse basée sur une sélection phénotypique (la grosseur des cornes des mâles de l'espèce), on a constaté une diminution de la masse corporelle de ces mâles......et une diminution de la longueur de leurs cornes! Des biologistes de chez nous craignent que l'abattage ciblé par règlement des chevreuils mâles matures les mieux et les plus développés (grosse masse corporelle et bois impressionnants) ne favorise la survie des individus de petite taille portant de petits panaches, qui transmettraient ensuite cette génétique à leur progéniture.
En somme, devant la multiplicité des arguments scientifiques à l'encontre du QDM, on comprend très mal l'intransigeance des sympathisants de ce groupe et leur détermination à imposer leur philosophie. Cela porte des scientifiques et de nombreux chasseurs à se demander si les promoteurs du QDM n'auraient pas un «agenda caché» pour persister dans leur lutte.
Par André A. Bellemare
Ce groupe restreint de chasseurs émules du QDM aurait voulu que, dès l'automne 2013, les autorités n'autorisent que l'abattage des cerfs mâles matures portant des bois comportant au moins trois pointes sur un côté... En fait, cela signifie que, dans bien des cas, les chasseurs seraient alors autorisés à récolter uniquement des bucks six pointes et plus. Pour ne pas provoquer un tollé chez les quelque 175000 adeptes de la chasse du chevreuil de chez nous, le groupe QDM propose aux autorités de procéder progressivement, à petits pas, de façon expérimentale, pour l'implantation d'une telle réglementation restrictive.
POUR RÉCOLTER PLUS DE BUCKS TROPHÉES...
Ces gens-là, qui chassent surtout sur des terres privées des Cantons-de-l'Est et de la Montérégie, avouent qu'ils souhaitent abattre, dans quelques années, plus de cerfs mâles matures plus pesants et portant des bois (panaches ou trophées) plus impressionnants. Ils avouent également qu'ils souhaitent diminuer la pression de chasse — c'est-à-dire le nombre de chasseurs... — dans les zones provinciales de chasse qu'ils fréquentent et dans les zones voisines.Ils prétendent qu'ils pourront accueillir plus tard plus de chasseurs dans leurs zones de chasse, parce qu'il y aurait alors là plus de gros bucks matures à récolter : or, faut-il le rappeler, les terres propices à la chasse dans ces zones-là sont privées à 97 %! Et, selon des scientifiques du MRNF, il n'est pas assuré du tout qu'il y aura plus de chevreuils au Québec dans quelques années si l'on y appliquait la philosophie du QDM! En fait, les chasseurs se serreraient la ceinture pour procurer plus de plaisir et de satisfaction à ceux qui ont le privilège de posséder ou de louer d'immenses terres propices à la chasse.
Les propriétaires de ces terres-là exigent souvent des coûts élevés pour les louer à des chasseurs, s'ils n'y chassent pas eux-mêmes. Des propriétaires privés — qui obtiennent un fort pourcentage des permis de chasse spéciaux gratuits pour la récolte des biches et faons offerts lors du tirage printanier annuel organisé par le gouvernement — revendent ensuite souvent ces permis à fort prix à des chasseurs provenant des grandes villes.
Les promoteurs du projet du QDM se disent eux-mêmes conscients qu'ils sont bien loin de faire l'unanimité chez les quelque 175000 chasseurs de cerf du Québec. Dans les milieux informés sur la gestion de notre patrimoine faunique, c'est connu que des scientifiques du MRNF ne favorisent nullement un pareil projet et n'en voient pas la nécessité actuelle. D'ailleurs, depuis des années, ces scientifiques du ministère ont très bien exposé leurs arguments aux promoteurs du QDM contre la réalisation de leur projet. Mais le groupe QDM n'accepte pas les conclusions de ces scientifiques, et ils cherchent même à se substituer à eux! Le groupe QDM se comporte comme l'unique détenteur de la vérité, et se présente comme un regroupement d'adeptes plus évolués que la masse des autres chasseurs de chevreuil.
Pourquoi ces membres et sympathisants du QDM ne se contentent-ils pas d'appliquer leur philosophie sur leurs terres personnelles et dans leurs clubs privés, en laissant aux autres chasseurs le libre choix de prélever légalement les chevreuils qu'ils désirent récolter? C'est la question que se posent de très nombreux chasseurs de chevreuil; malheureusement, ces derniers chasseurs sont snobés par les membres et sympathisants du QDM, qui les ridiculisent et les traitent de «non évolués»...
En fin de compte, ce sont les politiciens et les hauts fonctionnaires du MRNF qui décideront si un projet pilote et expérimental sera appliqué en région : voilà pourquoi les sympathisants de la philosophie du QDM multiplient les pressions en haut lieu, en faisant intervenir tous leurs contacts pour y parvenir. C'est ce qui choque les chasseurs ordinaires ne possédant pas de grandes terres ou ne pouvant devenir membres de clubs privés louant de vastes territoires boisés.
La majorité des 175000 chasseurs de chevreuil de chez nous refusent qu'un groupe limité de chasseurs, qu'ils qualifient de doctrinaires, leur force cette philosophie dans la gorge sans respecter leur choix individuel. Le débat sur ce projet s'envenime dans les forums dédiés du Web et sur les réseaux sociaux. C'est désolant de lire là les charges à fond de train de sympathisants du QDM contre quiconque ne partage pas entièrement leur philosophie : les épithètes les plus disgracieuses et les insultes les plus répréhensibles pleuvent sur les personnes qui osent critiquer leur projet; on ridiculise et on démonise sans vergogne les opposants au QDM. Évidemment, les promoteurs du QDM prétendent toujours qu'ils écoutent et analysent avec le plus grand sérieux et le plus grand respect tous les commentaires que suscite leur projet...
SONDAGES ET ENQUÊTES
Pourtant, les chasseurs de chevreuil ne fréquentant pas les terres privées ni les club privés ne cherchent pas majoritairement à récolter de gros cerfs matures portant des panaches impressionnants. Le ministère a fait mener, par une firme indépendante, une enquête scientifique sur la satisfaction des chasseurs de chevreuil, qui a prouvé que la majorité d'entre eux ne recherche pas du tout les panaches-trophées : ces adeptes désirent tout simplement avoir la possibilité de chasser, avoir accès à des territoires de chasse où ils jouiront d'une certaine tranquillité et d'une certaine sécurité, ainsi que d'une possibilité le moindrement bonne d'apercevoir des chevreuils et d'en récolter. Ces chasseurs seront satisfaits d'abattre un chevreuil, peu importe l'âge et le sexe. D'ailleurs, alors que le MRNF vendait quelque 140000 permis de chasse du chevreuil au moment de l'enquête en question, 100000 de ces 140000 chasseurs (70 %) participaient au tirage annuel de permis spéciaux de chasse gratuits les autorisant à récolter des cerfs sans bois (biches et faons)! C'est quand même une belle forme de sondage, ça!Durant cette même enquête pour le MRNF, on a demandé aux chasseurs sondés s'ils laisseraient passer sans tirer des jeunes mâles âgés de moins d'un an et demi (des daguets ou spikes), et 66 % des chasseurs ont répondu qu'ils le feraient. Les scientifiques du ministère considèrent que ces chasseurs-là ont ainsi démontré qu'ils se conformeraient à une règle restrictive, si le MRNF décidait d'en imposer une à tous les chasseurs de chevreuil du Québec; mais les scientifiques ont compris que ce n'était pas le désir des ces chasseurs-là de voir le ministère imposer une telle règle restrictive... Toutefois, les promoteurs et sympathisants du QDM interprètent cette réponse de 66 % des chasseurs sondés comme une «demande» de restriction sur la taille légale des bois pour la chasse du cerf de Virginie (RTLB)...
Quant aux promoteurs du QDM, ils ont tenu une consultation non scientifique prolongée, dans un site Web, consultation que les opposants à une réglementation restrictive dénoncent : cette consultation — qui donnerait comme résultat que plus de 75 % des participants auraient réclamé une réglementation restrictive sur la taille légale des bois des chevreuils mâles abattus — a constamment été noyautée par des membres et sympathisants du QDM...
La présentation du projet du groupe QDM a été faite à des groupes restreints, dont les fameux Groupe Faune régionaux et national, organismes consultatifs du ministre des Ressources naturelles et de la Faune. Le cabinet du ministre du MRNF, comme c'est son habitude depuis quelques années, s'est bien gardé de répandre largement l'information à ce sujet-là. Les organisations diverses invitées par le ministre du MRNF à participer aux réunions du Groupe Faune national et des Groupe Faune régionaux ont imité en cela le cabinet du ministre.
MODIFIER LA RÉGLEMENTATION
Donc, au cours des derniers mois, appuyé par la fédération se disant porte-parole des chasseurs, le groupe QDM a demandé au MRNF de modifier la réglementation — de façon expérimentale... — dans la zone provinciale de chasse nº 6-Nord (dans les Cantons-de-l'Est) pour que soit légal seulement l'abattage des cerfs mâles porteurs de bois comportant au moins trois pointes sur un côté du panache. À titre expérimental?... On sait que ce qui est expérimental pour un ministère devient progressivement la norme provinciale...Ça ne s'arrête pas là... Le groupe QDM réclame aussi du MRNF qu'il vende un permis de chasse exclusif à la zone provinciale nº 6-Nord. On sait que la majorité des chasseurs de chevreuil ont rejeté dans le passé le projet d'instaurer un permis de zone pour chasser le chevreuil. Un tel permis, on le sait, restreint la mobilité des chasseurs dans la province, et restreint l'accessibilité aux différentes zones provinciales de chasse. La chasse du chevreuil est la chasse du monde ordinaire, qui décide d'aller chasser à quelques jours ou même à quelques heures d'avis : un travailleur qui peut se négocier un congé à la toute dernière minute, selon les circonstances du moment dans l'entreprise qui l'emploie, ou qui peut être invité par un parent ou d'un ami pour aller chasser sur des terres déjà appâtées, décidera d'aller chasser le chevreuil à peu de temps d'avis, tout dépendant aussi des conditions atmosphériques du moment dans la région visée; ce travailleur-là ne souhaite pas qu'on lui bloque l'accès à des zones provinciales de chasse parce qu'il n'aurait pas préalablement acheté un permis de chasse de zone. Et si un chasseur n'obtient pas le succès escompté dans une zone provinciale qu'il fréquente, il peut actuellement aller chasser dans une autre zone ouverte plus longtemps que la sienne pour la récolte du chevreuil, contribuant ainsi à l'économie des différentes régions où il voyage pour s'adonner à sa passion de la chasse. C'est pour ces raisons que le ministère a instauré différentes saisons de chasse du chevreuil (à l'arc, à l'arbalète, à la carabine moderne, à l'arme à feu à chargement par la bouche...); ces saisons ne surviennent pas aux mêmes dates dans toutes les zones provinciales de chasse, pour permettre aux chasseurs intéressés de voyager d'une zone à l'autre et de participer ainsi au progrès économique des régions excentriques.
Le groupe QDM réclame aussi du MRNF l'harmonisation des dates de la saison de chasse avec arme à feu dans la zone nº 6-Nord avec celles de la saison de chasse avec l'arme à poudre noire dans la zone nº 8-Est... pour empêcher les chasseurs arrivant de la zone nº 8-Est de venir exercer une trop forte pression de chasse dans la zone nº 6-Nord... Le groupe QDM réclame aussi le remplacement de la post-saison de neuf jours à l'arme à chargement par la bouche (dite arme à poudre noire) par une saison de quatre jours de chasse à l'arme à poudre noire qui surviendrait entre la période de chasse à l'arc et à l'arbalète et la période de l'arme à feu. Pourquoi cette dernière exigence? Pour récolter des biches avant la période du rut «pour améliorer en pré-saison le ratio mâles/femelles, et ainsi éviter aux mâles restants des efforts inutiles...»
Le groupe QDM aurait voulu que les modifications à la réglementation s'appliquent dès l'automne 2013. Mais il n'y a maintenant rien de moins sûr : le débat sur la religion des membres et des sympathisants du QDM prend de l'ampleur à mesure que leur projet est plus largement connu par la confrérie des chasseurs de chevreuil... Les nouveaux gouvernants du Québec y songeront à deux fois plutôt qu'une avant de s'engager tête baissée dans ce qui paraît un bourbier.
ACTUELLEMENT PAS DE NÉCESSITÉ...
D'ailleurs, dans une présentation préparée par les biologistes Michel Huot et Claude Daigle, du Service de la faune terrestre du Secteur Faune du MRNF, il est souligné que les demandes concernant une réglementation restrictive sur la taille légale des bois pour la chasse du chevreuil proviennent de «quelques groupes», dans «quelques régions» et de «quelques revues». Pour eux, il n'y a «aucun problème détecté dans la situation actuelle» de la gestion de la chasse du cerf de Virginie.Ils rappellent que la population de cerfs est en croissance depuis 20 ans «malgré le niveau de prélèvement élevé et continu». Ils notent que la vente des permis de chasse du chevreuil est en croissance, et que la grande majorité des chasseurs participe volontiers au tirage annuel de permis spéciaux autorisant la récolte des biches et faons.
Ces biologistes savent que, si les chasseurs «laissent passer» les jeunes cerfs mâles, 12 % de ces derniers risquent de mourir avant d'atteindre deux ans : maladie, collision avec un véhicule, chasse, braconnage, hiver et printemps peu cléments, etc. Si le nombre de mâles diminue trop durant l'hiver, les scientifiques protègeront alors plus de biches durant la chasse de l'automne suivant. Ces biches-là donneront naissance à des faons, mais les jeunes mâles ne seront pas assez âgés pour être récoltés durant l'automne qui suivra (dans deux ans). Il faudra donc que les chasseurs attendent au moins trois ans pour abattre des bucks portant des bois dont au moins un comportera trois pointes... Dans les zones de chasse de la Beauce, des Bois-Francs, de l'Amiante et des Cantons-de-l'Est, l'hiver vient tuer des cerfs mâles adultes en quantité appréciable. Comme le disent les scientifiques : la grande charrue blanche vient bouleverser les prédictions, les plans de gestion et la réglementation sans prévenir longtemps à l'avance!
Les scientifiques du MRNF ont pourtant écrit noir sur blanc, puis communiqué aux sympathisants de la philosophie du QDM, que l'adoption d'une réglementation restrictive sur la récolte des mâles (minimum de trois pointes sur l'un des côtés du panache) comporte beaucoup trop de risques et d'impacts potentiels pour qu'ils l'acceptent. Mais les membres et sympathisants de la QDM persistent à vouloir imposer leurs idées malgré cette opposition des scientifiques du MRNF, et ils font alors jouer leurs contacts au niveau politique.
Selon les biologistes gouvernementaux, la diminution de la récolte des chevreuils mâles matures serait d'environ 60 % pendant les trois ou quatre premières années de l'implantation d'une réglementation restrictive. Ensuite, la diminution permanente de la récolte des bucks serait de 10 % à 15 % par année; il ne faut pas oublier qu'il y aura toujours, en plus, une mortalité de 15 % à 20 % des mâles épargnés par les chasseurs (maladie, accidents, braconnage, tempêtes de neige...). À cause de toutes ces raisons — à cause aussi de la difficulté d'identification des pointes sur les bois des cerfs en vraie situation de chasse en forêt — il risque d'y avoir une diminution sensible du nombre des chasseurs, surtout du côté de la relève jugée capitale par les scientifiques. Car, ne l'oublions pas, les chasseurs demeurent le principal outil de gestion de notre patrimoine faunique aux mains des scientifiques du gouvernement! Il y a un fort risque de disparition accélérée de cet outil de gestion, surtout au moment où l'on mentionne le vieillissement rapide des générations actuelles d'adeptes de la chasse.
La récolte devenant de plus en plus faible à cause de la diminution des chasseurs, il y a risque à moyen terme du vieillissement des cerfs mâles adultes, puis d'une augmentation du pourcentage des mâles dans le cheptel, puis d'une reproduction soudainement accrue et d'une surpopulation de cerfs. Mais, lorsqu'il restera beaucoup moins de chasseurs intéressés dans quelques années, comment fera-t-on pour inciter des gens à récolter plus de biches et de faons afin de prévenir une explosion incontrôlable des hardes suivie d'une implosion ou crash du cheptel? Comme cela est survenu en l'espace d'environ une décennie dans le cas du caribou de la toundra québécoise... Voilà ce qui inquiète les scientifiques et ce qui les retient de promouvoir la philosophie QDM.
Les scientifiques veulent éviter à tout prix d'adopter un plan de gestion du cerf de Virginie basé uniquement sur une sélection phénotypique (basée sur des caractères physiques apparents, comme les bois des mâles). Ils sont favorables à un plan de gestion basé sur un ensemble de critères plus étendu et plus complexe, comme ce fut le cas au Québec depuis maintenant près de quatre décennies. Des scientifiques de notre province font d'ailleurs remarquer que la philosophie du QDM est en régression aux États-Unis à la suite d'expériences qui ont été néfastes. Ce fut notamment le cas de la chasse du mouflon d'Amérique : après 30 ans d'une chasse basée sur une sélection phénotypique (la grosseur des cornes des mâles de l'espèce), on a constaté une diminution de la masse corporelle de ces mâles......et une diminution de la longueur de leurs cornes! Des biologistes de chez nous craignent que l'abattage ciblé par règlement des chevreuils mâles matures les mieux et les plus développés (grosse masse corporelle et bois impressionnants) ne favorise la survie des individus de petite taille portant de petits panaches, qui transmettraient ensuite cette génétique à leur progéniture.
En somme, devant la multiplicité des arguments scientifiques à l'encontre du QDM, on comprend très mal l'intransigeance des sympathisants de ce groupe et leur détermination à imposer leur philosophie. Cela porte des scientifiques et de nombreux chasseurs à se demander si les promoteurs du QDM n'auraient pas un «agenda caché» pour persister dans leur lutte.
Par André A. Bellemare